Je me souviens des mots de mon ancienne patronne. Lorsque je cherchais, à la fin de l'été, à emménager dans un 3 1/2 qui ne serait qu'à moi (oh quel bonheur depuis d'avoir trouvé ! que la vie en ermitage présente de charmes et de défis !), je m'en étais allé visiter une place aux confins de Davidson et de la rue Adam. Un quartier charmant. "Pour le moins, avait-elle dit, tu seras au cœur de l'action. À défaut de sushis, le dealer te livrera ton crack à toute heure de la nuit."
La visite, en tant que telle, avait été sublime. Le voisin du dessous, probablement boxeur dans une ancienne vie (et tout autant actif à boxer sa femme dans la présente), répondit rugueusement à mon approche, m'interdisant d'emblée de poser mon bicycle sur sa barrière émaillée, pour les cinq minutes qu'ont duré la visite. Visite d'un appartement cosy mais un peu sombre, découpé de tentures effilochées, la locataire n'ayant pas encore quitté les murs mais s'étant absentée pour la semaine.
Après m'être difficilement abstenu de vomir, j'établis le contact avec une sorte de mammifère quadrupède hideux, qui était venu se coller à la fenêtre en miaulant sa solitude à mon premier coup de sonnette. Je découvris ce jour que le chat Sphynx n'était pas une créature de cauchemar que des anglais débauchés avaient imaginé un soir d'ivresse pour effrayer les mioches lassés par le Haggis (illustré ci-dessus ; on notera avec beaucoup d'attention que cette lassitude éventuelle n'a pas encore atteint nos chers touristes états-uniens, desquels l'éternel Viki m'apprend à l'instant que, selon une étude menée par le vénérable Guardian, 23% des voyageurs embarquant des States pour le Royaume-Uni avaient bon et sincère espoir d'en attraper un). Quant au chat sans poil, il est tout ce qu'il y a de plus vivant et, à l'intérieur de l'appartement, la bête avait proliféré : ils étaient cinq au moins à errer, affamés et apathiques, sur le frigo, dans l'évier, sous le lecteur DVD, pris dans le drap de la baignoire. La propriétaire frôla la syncope au premier chat - elle qui n'avait pas autorisé la signataire du bail à héberger un seul animal. Je m'apprêtai à composer le 911 lorsque les quatre autres apparurent.
Après m'être difficilement abstenu de vomir, j'établis le contact avec une sorte de mammifère quadrupède hideux, qui était venu se coller à la fenêtre en miaulant sa solitude à mon premier coup de sonnette. Je découvris ce jour que le chat Sphynx n'était pas une créature de cauchemar que des anglais débauchés avaient imaginé un soir d'ivresse pour effrayer les mioches lassés par le Haggis (illustré ci-dessus ; on notera avec beaucoup d'attention que cette lassitude éventuelle n'a pas encore atteint nos chers touristes états-uniens, desquels l'éternel Viki m'apprend à l'instant que, selon une étude menée par le vénérable Guardian, 23% des voyageurs embarquant des States pour le Royaume-Uni avaient bon et sincère espoir d'en attraper un). Quant au chat sans poil, il est tout ce qu'il y a de plus vivant et, à l'intérieur de l'appartement, la bête avait proliféré : ils étaient cinq au moins à errer, affamés et apathiques, sur le frigo, dans l'évier, sous le lecteur DVD, pris dans le drap de la baignoire. La propriétaire frôla la syncope au premier chat - elle qui n'avait pas autorisé la signataire du bail à héberger un seul animal. Je m'apprêtai à composer le 911 lorsque les quatre autres apparurent.
Un abri que je ne pris donc point, insensible à ses charmes (pas même à la perspective d'un balcon arrière donnant sur un entrepôt de viande). Un quartier que je ne visitai plus. Une partie de la ville que j'oubliai totalement.
Jusqu'à cette après-midi, la vitalité de ses habitants sur les plateformes de vente et revente en ligne dépassant de loin celle des nantis de Laurier et Westmount. Miséreux comme eux, je me suis mis en quête d'un cellulaire à bas prix pour remplacer la merveille rose et fleurie que mon ami Yanqing venait de rapatrier à Taiwan. Vingt piastres pour une machine débloquée, chargeur inclus, me paraissait un deal correct et je ne faisais que peu de cas de l'adresse du jeune homme, pourtant tout aussi suspicieuse que sa capacité à "rester chez nous toute la journée". "Tu passes quand tu veux", avait-il précisé.
Me voilà donc sur les hauteurs de Sainte-Catherine là où tout le monde connait l'affaire ; un monde où les condos brûlent à la semaine selon l'inclination des Hells Angels, où l'on vous appelle au bureau pour vous signifier qu'en raison d'une alerte à la bombe vous ne pourrez rentrer chez vous le soir, un monde admirable fait de vie et d'échange (d'échanges de vies ?) où prostitution et trafic de drogue font bon aloi, et au milieu duquel survivent pourtant, c'est admirable, brocantes disco au choix exceptionnel, galeries d'art contemporain recrutant jusqu'à Paris et Nantes et autre restaurants trendy dont le très drôle Les Cabotins et sa table "VIP" enfermée dans une vitrine sur rue entre la colonne de fondation et le marchand de chaussures voisin.
Le numéro que j'ai sur un papier s'avère moins sexy : vieux condo industriel, de brique rouge dégueulasse, presque aussi déprimante que la Wallonie. Quatre sonnettes sans nom, ni affichage. Je sonne un peu au hasard, c'est le locataire du milieu qui descend. Je cherche un cellulaire, c'est toi le (xxxx) ? Non, ce n'est pas lui, pis il n'a pas d'cell, mais qu'à celà ne tienne, il a du crack à la place. Je souris, refuse poliment, réitère que je ne veux qu'une machine pour le moment mais que je conserve son adresse en tête en cas de besoins futurs. Il me propose de monter malgré tout frapper au dernier étage. L'escalier est exigu, disproportionnément à pic. Mon voisin recavale vers sa propre piaule, tente de s'y enfermer mais la porte est sortie de ses gonds, il ne s'agit plus guère que d'une planche de bois qu'on rabat sur l'embrasure. Je vois des gens, derrière. Je ne m'attarde pas. Au palier supérieur, un chien, ostensiblement de petite taille et enfermé depuis longtemps, aboie à en perdre l'haleine tout le temps de l'action. Je reste coi quelques instants et redescends sans frapper.
De retour en moins de trois minutes à l'arrêt de bus que je venais d'abandonner, stimulé par le froid, je m'essuie longuement la narine du revers de la manche ; par un moins quinze venteux, le nez coule facilement. Je ris intérieurement - les passagers en attente auront peut-être observé mon manège, auront imaginé que je venais de me poudrer vite fait dans un taudis miteux comme on en voit rue Campans au pied de la Place des Fêtes à Paris. Visiblement tout le monde s'en fout. Deux jeunes filles fument un joint sans se cacher, le temps que l'autobus approche.
J'ai finalement trouvé un Nokia pas trop hors d'usage dans un Dépôt Comptant de la Promenade Ontario. Un autre bel emblème du recyclage perpétuel, du petit vol et du besoin pressant de cash qui caractérisent la vie quotidienne dans cet attachant Hochelaga-Maisonneuve.
Le coeur de l'action, on vous a dit !
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