mardi 20 décembre 2011

Ha l'entourloupe !

Chers amis, j'en ai appris une bien bonne ce matin.

Alors que je découvrais le très sympathique café
La Petite Cuillère en face du square Saint-Louis - grandes tables de bois rustiques et chaleureuses, baie vitrée et molletonneuse exposée au soleil, jeu de Monopoly niçois (sic) - mon ami Antonio me comptait sa mésaventure du jour, ou comment un faiblard Berri-Sherbrooke, le trajet en métro le plus inutile de la ville après l'infamant St-Laurent - Place-des-Arts sur la verte, a fini par lui coûter un bon 250 piasses.

En transit entre New York et Rome, peu désireux de tirer quelques dollars de plus pour son dernier jour au Québec, Antonio a décidé de tricher. Ne l'excusons point ! il connaissait les règles, il en a fait un choix, il a perdu en toute bonne grâce. Antonio a donc sauté le tourniquet à la station Berri-UQAM. Pour s'apercevoir aussi sec, à son grand dam, que l'itinérant qui squattait le banc hexagonal de la station la plus connue de Montréal n'était autre qu'un... agent de la STM en "civil", si tant est qu'itinérance et civilité sont encore liées, vêtu de quelque guenille (certes pas d'un torchon, disons alors d'un manteau en lambeaux) masquant à la perfection un costume bien réel de contrôleur de billets, tout ce qu'il y a de plus riche et sédentaire.

Haro sur les crosseurs ! certes. Les Québécois doivent bien rire lorsqu'ils descendent sous le réseau de la RATP, la gruge systématique s'étant muée en véritable sport national dans les tunnels qui font de Paris un gruyère. Combien de fois moi-même ai-je sauté, me suis-je cassé les dents contre un panneau latéral qui intercepte les mouvements en sens contraire, ai-je élucubré de combines, me suis-je fait passer pour un Ukrainien, créant de toutes pièces histoire et patrimoine après que mes yeux fureteurs se furent posés sur le Navigo de la pauvre Olga Tchevnakonia. J'aime, presque plus que tout dans le métro parisien, lorsqu'un passager - invariablement noir, la trentaine, grand et bien coiffé quoique l'air débrouillard, quelque part vers Marx-Dormoy ou Jean-Jaurès - me demande poliment l'autorisation de passer derrière moi. Ici, oui, nous parlons encore de civilité. Cela fait partie des codes, des traditions, d'un ensemble de valeurs peu ou prou partagées par la communauté des usagers. À Paris nous trichons, partout en France d'ailleurs : qui n'a jamais cherché à fuir la SNCF ? C'est entendu, outre-Atlantique, nous sommes de vieux crosseurs.

Mais à Montréal ? Là où lorsqu'on vous gifle, vous répondez encore pardon ? Là où la file d'attente pour le bus est la plus sacro-sainte des normes de bonne conduite ? Personne ici ne triche, à part bien sûr les Chinois, et je dis cela avec amour. Ce n'est pas dans les moeurs. La STM, elle, dans un sens, triche. Filouter les passagers, ou les
wannabe passagers bien sages à l'année longue qui se permettent un unique écart de conduite parce que la fatigue les accable, les tromper en feignant la mendicité quand l'île, hiver après hiver, croule sous les besoins en abris d'urgence et rondes de nuit, cela ne me paraît pas du meilleur goût.

Antonio a payé, et je ne peux que reconnaître qu'il a bien fait. Encore une fois, il a triché, s'est fait pincer, c'est
ben correc', c'est fair enough. Notre chère société de transports, elle, qui sera probablement nommée en 2011, pour la troisième année consécutive, "Best mass transit corporation in North America", justifiant sans justification une nouvelle hausse des tarifs pour la passe mensuelle, quand bien même depuis début décembre plus aucun bus n'arrive à l'heure, notre chère STM, elle, manque un peu de fair, de flair et de pudeur.

Voilà, c'était juste pour le dire. Dorénavant, méfiez-vous de l'itinérant qui somnole, oublié de tous, planqué derrière les tourniquets. Il n'a certes pas le képi, mais les insignes, elles, sont bien cachées contre son coeur.

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