Tout au bout du Canada oriental, dans les provinces atlantiques, il y a un territoire obscur, haut-lieu de l'histoire du peuplement du continent, tout à fait oublié aujourd'hui sur la carte : la Nouvelle-Écosse. De la Nouvelle-Écosse, je ne connaissais guère que la ScotiaBank (on construit son imaginaire avec les éléments qu'on possède). Désormais, il y a aussi Tammy Forsythe.
Mon opinion, relativement anodine, sur cette province était plutôt positive jusqu'à hier. La Banque Scotia, en effet, s'est rapidement développée pour devenir l'une des plus importantes institutions d'Amérique du Nord et un partenaire financier implanté dans plus de 50 pays. Pas inconsciente du potentiel économique vertigineux que constitue l'immigration croissante vers le Canada, elle fournit des efforts relativement appréciés pour séduire les nouveaux venus, avec des comptes à frais zéro, un site Internet disponible en chinois et un programme jeunes entièrement axé sur le hockey (votre bambin y gagnera une collection de cartes signées par ses nouvelles idoles du Canadien) : wahou.
Tammy Forsythe, elle aussi, cible les étrangers. Toutefois, elle a raté le coche du hockey. La plaquette indiquait, entre autres élucubrations métaphysiquillisibles sur le sens de la vie, que Forsythe parle "des peuples de Venezuela, Honduras et Palestine", mais aussi que sa gestuelle "se nourrit aux impulsions des basketteurs : les jeux de jambe, l'habileté des mains". Vaste programme.
Comme on pouvait s'y attendre, c'est chorégraphiquement assez mauvais (à l'exception de Forsythe elle-même, on eut tiré plus de mouvement d'une pièce de bois sur un billot), musicalement horripilant (qu'attendre de mieux d'une non-chanteuse qui tente de couvrir une non-bassiste qui tente de couvrir un non-batteur ?) et politiquement assez pauvre : la CIA agent du diable, on le savait depuis longtemps. Le seul intérêt est visuel, dans une scénographie relativement réussie malgré la redondance des signes anarchistes, et dans l'admirable minois de la danseuse sud-américaine Gelymar Sanchez, qui malheureusement opte pour un jeu d'expressions relativement proche de celui de David Blaine, dont le regard fixe donne envie de lui briser les deux genoux d'une puck bien sentie.
Aux trois quarts d'heure pourtant, une ébauche de construction se fait jour, tant musicale que narrative. Sous le message premier, évident (les méchants États-Uniens ont cautionné plus de coups d'État en un siècle d'impérialisme latino-américain qu'il n'y a de nid-de-poules sur le Plateau), un autre propos émerge, déjà plus pertinent pour une représentation montréalaise : nous, Canadiens, sommes un peuple trop soft ; nous avons peur du conflit, peur de nous engager pour une cause, et telle l'autruche nous fourrons les deux yeux dans des trous plus profonds que les nid-de-poules précédemment cités. Argument valable, certes, mais pour lequel un simple tract contenant trois faits historiques aurait amplement suffi. Au demeurant, une heure avant le spectacle, je terminais la saison 4 de How I met your mother, qui l'expliquait tout aussi bien mais avec davantage d'humour.
J'ignorais donc qu'on pouvait être punk en danse contemporaine. Et j'oubliais que le FTA se donnait aussi pour mission de promouvoir l'avant-garde ou la scène la plus expérimentale qui soit, avec les ratés que cela suppose. J'aurais volontiers posé quelques questions à la discussion d'après-spectacle, si je n'avais pas été l'unique spectateur à rester (la pression du devoir, parfois, me pousse à me dérober ; et puis le Game 3 des Finals débutait au même instant). Une rare critique, parue ce matin : "Golpe, explique Sylvain Verstricht de Indysh, defies our expectations of what is supposed to happen when we go to a dance show. [...] I did feel uncomfortable for most of the show. And that’s a good thing". Ou pas.
Eu le temps d'entendre avant de quitter la salle que leur CD était disponible à la sortie pour dix piasses. Preuve qu'il existait malgré tout aussi un non-producteur qui, espérons-le cette fois, a finalement réussi à recouvrir le tout.
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