On m'a invité, le 30 décembre au soir, à assister à la désormais traditionnelle Veillée de l'Avant-Veille au Club Soda, pour l'occasion assailli de plusieurs centaines de jeunes Québécois, de plusieurs dizaines de moins jeunes Québécois et de quelques groupes bien garnis d'anglophones dont on se demande bien ce qu'ils faisaient là tout en trouvant leur présence admirable.
Le très bon groupe de musique tradi Le Vent du Nord en profitait pour fêter son dixième anniversaire en partageant les planches avec toute une marmaille de collaborateurs divers, dont l'excellent câlleur Jean-François Berthiaume pour la grande danse du final.
Ce fut ma foi tout à fait sympathique. La Veillée de l'Avant-Veille, qu'on m'avait décrite en toute mauvaise foi comme un insupportable ramassis de nationalo-extrémistes greffés à leur biniou, s'avéra être un monde certes original, mais plaisant. Un monde dans lequel on croise sa soixantenaire de proprio près du bar de l'entrée. Un monde dans lequel, privés de batterie, les musiciens marquent le rythme en tapant le sol des pieds, sans jamais en perdre une mesure. Un monde fait de cordes assurément, quand jusqu'à trois guitares et quatre violons partagent avec la viole de gambe quelque farandole inchangée depuis le 19e siècle. Un monde masculin, viril et guttural, de beaux gars pourtant, ce qui rappelle d'ailleurs à quel point le Québec est la seule nation au monde - avec le Vietnam peut-être - où les hommes sont, systématiquement, implacablement, plus beaux que les femmes ; un monde dans lequel dix, onze, jusqu'à douze de ces gaillards montent sur scène pour des polyphonies puissantes, démontrant un amour du chant qui rappelle les Mongols, les Corses ou les vieux Béarnais, tandis que certes une jeune fille bien en chair exécute dans le public des pas de gigue aussi rapidement que si sa vie en dépendait. Un monde dans lequel la position statique devient techniquement impossible, les déhanchements de la foule se perpétrant de l'avant vers l'arrière, de l'arrière vers l'avant dans une sorte de coït fraternel, contraignant tout un chacun à suivre le mouvement sous peine de voir son dos plié en six morceaux. Et c'est que cela danse !
Car à l'issue de deux "premières parties" qui semblent conclure le spectacle, une petite partie de l'auditoire s'en va braver le froid tandis que les plus patients trépignent un bon vingt minutes supplémentaires - le temps d'une ou deux bibines pour les musiciens. Lorsque ceux-ci s'en reviennent, c'est donc en présence du Berthiaume ci-dessus mentionné, à titre de câlleur. Alors le câlleur, j'ai découvert ceci il y a trois jours, c'est le vieux bonhomme qui appelle (who's calling the dance steps?), celui qui indique aux danseurs les pas à effectuer, le tout bien entendu en rythme, à un rythme même effréné, suivant la gigue, déblatérant ses instructions sans jamais se reposer la langue, un peu comme un Big Red ou autres chanteurs de raggamuffin. Numéro 1, un pas à droite, on prend la main, numéro 2, on avance et on croise, une étoile, un quinconce, les numéros 1, les numéros 3, deux pas en avant, swingue-là, passez par en-dessous, revenez au départ. Danse, contre-danse. On se croirait tout à fait dans Astérix, peu avant que l'intrus Cétyunix ne se fasse démasquer - tirez-y les moustaches !. J'étais moi-même démasqué, avachi dans les gradins, épuisé de fatigue comme de plaisir, avant de quitter les danseurs qui semblaient partis tournoyant pour ne plus s'arrêter.
Le Vent du Nord s'envole demain pour la Colombie, deux dates assurées dans un festival de musique folklorique. Il m'a quant à moi redonné du souffle pour attaquer 2012 et je trépigne déjà de les revoir, peut-être pour la Saint-Jean, peut-être pour une gigue, qui sait.
Bonne année à tous !
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