jeudi 1 juillet 2010

L'art con tape aux reins

Et de fait, si tous les jours je me brise le dos à grimper la côte de Sherbrooke sur mon vélo rouillé, c'est pour tomber, au coin sud-ouest du parc Lafontaine, sur ceci :
Congrégation politique ? Evénement sportif interprovincial ? Que nenni. Il s'agit d'art. Le long de Sherbrooke, il faut le dire, on est gâtés : il suffit de marcher deux-cents mètres vers l'est pour trouver un sublime pylône d'acier délibérément amputé de sa partie haute, gracieusement offert par la France au Québec pour l'anniversaire du Général De Gaulle, d'un geste dans lequel je lis une condescendance suprême.

J'étais curieux néanmoins, dépassant jour après jour cette étonnante et très voyante construction pour m'élancer, tout en sueur et sentant la moufette, dans la piste cyclable embourbée de Brébeuf. Ces drapeaux, quoique je ne leur attribuais que très suspicieusement  une valeur esthétique, me touchaient subtilement tant ils évoquaient d'immenses drapeaux tibétains, sortes d'hybrides de loungta (les petites guirlandes pentacolores qui récitent les mantras) et de darchok (bannières plus volumineuses suspendues sur des mats) - je viens d'apprendre la différence tout en même temps que vous.

Je demandai alors autour de moi, personne ne sût me répondre. La clé du mystère ? elle se trouvait tout bêtement sur un écriteau de la municipalité fixé au pied du dernier de ces drapeaux. Il s'agit, ô surprise, d'une oeuvre de Daniel Buren, oui oui, l'auteur des colonnettes du Palais-Royal, Lion d'Or à Venise en 1986. Artiste influent et reconnu. Le texte explique :

Neuf bannières rectangulaires sont fixées individuellement à autant de mâts en aluminium brossé. Elles présentent des bandes verticales de couleur verte, rouge, jaune, bleue ou noire. Elles sont disposées par ordre alphabétique des couleurs, du centre vers les extrémités. Elles réfèrent au vent et à l'eau, en hommage aux éléments dominants lors de l'arrivée de Jacques Cartier il y a 450 ans.

Mouais. Après une déconcertante visite au très côté Musée d'Art contemporain de Montréal, qui vaut davantage par son emplacement (on est très satisfait d'en ressortir pour aller s'enfiler des bières sur Sainte-Catherine) que par sa programmation, si tirée par les cheveux qu'on s'en arrache les siens propres, je persiste et signe : plus que jamais, en 2009, on parlerait plus justement d'Art (qui ne) Contemple rien...

Les promeneurs d'ailleurs ne s'y trompent guère, qui tournent allégrement le dos !

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