mardi 27 juillet 2010

J'en reste de glace

À trop vouloir évoquer le Pôle Nord...

Après le brillant Réjean Ducharme, et dans un Soucy (haha) d’équité générique assez propre à ma nouvelle terre d’accueil, je souhaitai me pencher sur le versant féminin de la littérature québécoise, et jetai pour cela mon dévolu sur l’une des grandes dames du milieu, abondamment titrée pour ses deux premiers ouvrages : Monique Proulx.

La démarche m’intéressait en deux points : au-delà d’écouter la voix d’un auteur reconnu pour sa vision juste et touchante de Montréal et de ses différents quartiers, il s’agissait d’observer dans quelle mesure une société ouvertement proclamée féministe parvenait à produire une écriture de femme suffisamment riche pour atteindre le lecteur hautement misogyne que je suis (tant seules quelques fulgurances de Yourcenar et, éventuellement, le Virginia Woolfe le plus classique ont su m’émouvoir un jour).

Je me plongeai donc avec curiosité et enthousiasme dans les Aurores Montréales – dont le titre confirmait mon impression que pour publier un roman au Québec il faut nécessairement le baptiser d’un jeu de mots fumeux – recommandé par quelque sombre guide de voyages comme une parfaite introduction à mon port d’attache actuel. Je me méfierai à l’avenir des suggestions littéraires du Lonely.

Car Monique Proulx, de fait, c’est un peu la Ana Gavalda du Québec. C'est dire si elle fait l'unanimité. Une sorte d’ode à la légèreté, voire au vide, quand la littérature devrait n’être – flagellez-moi, ô ardents défenseurs de la modernité, pourfendez-moi, joyeux opposants à tous les réactionnaires du classicisme – doit n’être que lourde, pesante, ingrate, accrocheuse, éreintante, éraflante, sanguinolente, poétique ! Dans la légèreté de Proulx, il manque de la poésie, c’est cela. Ne confondez donc pas avec Proust. On est ici dans la littérature du cliché, de la facilité, de l’effleurement en surface. En vérité ces textes m’insupportent tant ils me renvoient à mes propres écrits, à leur vacuité et à leur absence de direction.

Proulx, suggère le Devoir, est une auteur de la contemplation. Les contemplateurs ne produisent pas, ou alors de la marde. C’est un peu mon problème. A trop retirer du plaisir dans l’observation passive de mes concitoyens, de leurs tourments bénins, de leur quotidien platte, à me persuader que c’est cela qui fait la vie, sa beauté et sa force, j’en ai toujours oublié de devenir parfois acteur, de cesser de n’aborder mon existence que comme un simple spectateur, aussi optimiste soit-il. On a un peu envie de donner des claques à Monique, de lui dire de sortir de sa cour à Outremont ou de sa terrasse du Mile-End, de l’envoyer passer trois mois en Haïti avant de parler des Haïtiens, de lui arranger une blind-date avec un vrai itinérant pour qu’elle parle mieux à la fois et des chiens et des hommes.

Les Aurores Montréales, fugaces et irréelles comme leur nom l’indique, sont une petite série de portraits souvent ratés de gens prétendument alpha cueillis ci et là sur les trottoirs de ma ville. Des moments de solitude, de complicité, de perplexité. On y retrouve souvent un peu du vrai, je le concède – tout comme dans les nouvelles fleur bleue de Gavalda ou dans un épisode de Friends. Accordons à l’auteur un certain sens de l’humour (comme ce récit de la lutte de "l'homo postnicotinus, le plus glorieux maillon de cette ère quaternaire", qui "soigne sa forme et ses RÉER", contre "la racaille où se fomentent les cancers du poumon") et une capacité à imaginer des chutes inattendues à des histoires pourtant très courtes. La plupart laisseront pourtant le lecteur sur sa faim. Si Proulx aborde par ailleurs avec gravité le douloureux sujet de la mort dans la moitié de ses histoires (mort du chat, d’une relation, de la mère – la pire de toutes), c’est souvent à l’aide d’un pathétique un peu facile, comme Denys Arcand l’a fait plus tard avec davantage de conviction.


Pour étancher ma soif d’aventure vraie, de nouveau baudelairien, de puissance castanédienne, je vais quant à moi m’en retourner à la littérature des hommes, et conserver du monde des aurores leurs cousines les plus mystérieuses : les boréales.


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