Cela faisait cinq ans, depuis la fin de mes années parisiennes, que je n'avais pas vu Cocorosie en spectacle ; entre temps, sur la seule foi de leurs trois premiers albums studio, les deux sœurs Cassady s'étaient imposées dans mon coeur comme l'un des groupes les plus émouvants de l'époque (bien que wikipedia les classe en... "inclassable" !). Cela faisait cinq ans également que je n'avais plus vraiment assisté à aucun concert d'une tête d'affiche internationale en Occident. Et ma foi - nouveau complexe de vieillissement avant l'heure : ce n'est plus du tout de mon âge, cette affaire-là.
Anyway. Si je poursuis ma vie au Québec, tout devrait s'arranger.
Toujours est-il que, contrairement à mon esprit qui lentement mature (s'érode ?), notre duo Freak Folk a su rester parfaitement freak et même dévier légèrement vers le hard-core. Dans un show parfaitement rodé, au cours duquel Bianca a changé trois fois de costume, on passe un peu par tous les genres et par toutes les ambiances imaginables, avec toutefois une contrainte liée au fait que le seul vrai instrumentiste est un beat-boxer. Pour aussi talentueux qu'il soit - avec il est vrai un assez impressionnant solo en milieu de spectacle, l'ensemble souffre pêche sévèrement au niveau du renouvellement rythmique. Bianca a beau s'être initiée au oud et à la clarinette, Sierra a beau s'évertuer à sautiller de long en large des poignées de ballons "Smiley" à la main, l'ensemble du concert manque finalement de ce qui faisait autre fois la force de CocoRosie : la poésie et l'humour, la beauté féérique née d'expérimentations tendres au milieu du grand calme
Qu'il est loin le temps où la fratrie se produisait à quinze heures dans les festivals hippies, avec le sublime Spleen, brillant slameur à ses heures, d'une humilité magique à la rythmique. Je me souviens encore avec émoi de ce concert à Evreux, au cours duquel le bel éphèbe avait progressivement émergé au-dessus des Cassady pour asséner un rap très lucide au beau milieu de la foule, qui s'était écartée autour de lui telle la mer Rouge sur Moïse, avant qu'il ne regrimpe sur la scène pour redonner la parole à la harpe dans un fondu impeccable. Voilà sans doute ce que Cocorosie a perdu depuis mes chères années parisiennes : de la subtilité.
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