Bon, voilà, c'est vrai : j'ai été voir Karate Kid. Au cinéma un mardi soir (5,75$ au Quartier Latin), encerclé par des hordes d'adolescents boutonneux crachant leur popcorn par les narines à chaque plaisanterie vaseuse. J'y ai été en traînant un peu les pieds - m'étant promis une ou deux tirades sur ce même blog contre la Saint-Jean-Baptiste ou le Festival de Jazz.
Pourtant, je l'avoue sans honte : j'ai pris bien du plaisir.
Pourtant, je l'avoue sans honte : j'ai pris bien du plaisir.
D'abord parce que, quand on décide pour un instant de lâcher prise et de s'adonner corps et âme à la junk-culture, le Quartier Latin est une sorte de mont Olympe, avec son ambroisie toute particulière à quatre et quarante le chien chaud, moutarde et relish à volonté. Les spectateurs se badigeonnent de soda et de barres chocolat, se jettent leurs pickles au visage et abandonnent au pied de leur siège, dans un joyeux bonheur porcin, la boue alimentaire dans laquelle ils se sont vautrés et avachis. Quelle ironie ! car sur l'écran, c'est la Chine millénaire qui défile, les montagnes pain de sucre du Guangxi dans le soleil couchant, la Grande Muraille à Mutianyu miraculeusement déserte de touristes. Un condensé de taoïsme en cent-quarante minutes.
Je m'installais donc sur mon siège circonspect. Mais dès le générique, surprise ! le grand Jackie Chan tiendra les premiers rôles (tiens, je le croyais persona non grata sur le mainland depuis ses propos sans langue de bois sur les Chinois et la liberté). Le film semble, au demeurant, co-produit par le gouvernement de Pékin, ce qui annonce d'emblée une série de cartes postales visuellement parfaites. Ca n'a pas loupé. L'essentiel de l'intrigue se situe dans les quartiers populaires à l'est de la Cité Interdite - bien que je ne parvienne pas à me décider de l'authenticité de la 北京中学 où se fait abondamment tabasser l'excellent Jaden Smith - et la première heure est un formidable enchaînement d'embouteillages dans les hutongs, de stands à malatang tout chaud, de violonistes prodiges et de gymnastes du troisième âge.
Le film vaut la peine d'être vu ne serait-ce que pour Jackie Chan en concierge dépressif, qui engloutit ses fangbian mian en écrasant des mouches sous sa casquette d'ouvrier. Pour des plans grandiloquents aussi - m'enfin là ça devient private joke - d'un Guoson Center en construction permanente, alors que tout un tas d'autres buildings étaient bien plus passionnants - et terminés... - à commencer par le Raffles City sur le trottoir d'en face (voir l'image ci-contre).
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On pardonnera alors allégrement les quelques incohérences géographiques et temporelles monstrueuses (la fête des amoureux en mai ? un A/R Beijing-Guangxi dans la journée, comme ça, juste pour le plaisir de gravir une montagne, alors qu'on parle au bas mot de 36h de train one way ?), et le happy ending qu'on ne peut s'empêcher de voir venir mais qui fait quand même du bien. La salle applaudissait à tout rompre. Je n'avais guère vu cela qu'à Katmandhu et Marrakech : faubourgs de villes pauvres, filmographie adaptée à l'intellect d'une moule ; et alors ? cela fonctionne, vive le petit peuple.
Reste à déterminer d'où les États-Unis tiennent cette passion du kungfu (ok, on supposera que les immigrants du Guangdong ont emporté avec eux, dans les années 70, toutes les œuvres des Shaw Brothers pour contaminer les Chinatown de Vancouver à SF...). Après le très réussi Kungfu Panda, et le visuellement brillant quoique un peu téteux Forbidden Kingdom, voici un nouveau coup de tonnerre pro-wushu venu des Amériques !
On est certes encore à des années-lumière des frasques délirantes de Tsui Hark et des premières créations de Wong Kar Wai (ah, Eagle Shooting Heroes.... un autre grand rôle de Jackie Chan !). Mais que vivent les co-productions !